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Un Panchakarma dans le Kérala

Octobre 2019


Un panchakarma, cure de détoxification profonde en médecine ayurvédique demande un investissement important en temps et en énergie. Mon congé sabbatique m’a permis d’en faire l’expérience, attendue de longue date !


La clinique ayurvédique

Laissez-moi d’abord vous expliquer de quoi il s’agit.

L’ayurvéda est la médecine traditionnelle indienne, au même titre que la naturopathie est la médecine traditionnelle occidentale. « Traditionnelle » à ne pas confondre avec « conventionnelle », qui fait référence à la médecine moderne ayant de nos jours le monopole de la santé (pour ne pas dire de la maladie ?!) dans les pays occidentalisés.


Une différence notable pour moi entre ces deux médecines traditionnelles pourtant sœurs : la connaissance et pratique ayurvédique s’est transmise de manière directe depuis 5000 ans à nos jours sans interruption. La naturopathie s’est à mes yeux beaucoup appauvrie car la transmission a été interrompue en occident notamment lors de l’avènement hégémonique de la médecine moderne et du fait aussi de la dévalorisation des connaissances non académiques et l’évacuation du savoir des femmes soignantes (« sorcières »). Ce mouvement s’est accéléré avec la récupération par les laboratoires pharmaceutiques de nombreuses plantes médicinales, dans le mouvement de privatisation du vivant que nous connaissons bien. L’Inde a aussi connu un mouvement similaire avec la colonisation britannique qui a promu la suprématie de la médecine conventionnelle sous tout autre forme de soin, mais pour autant, cette sagesse ancienne ne s’est pas perdue, merci.


Certains aspects sont communs à ces deux approches, ou tout au moins leurs principes fondateurs ancrés dans :

-une vision globale et holistique de l’être,

-une démarche préventive,

-le recours prioritaire, pour ne pas dire exclusif, aux ressources de la nature et du corps


Le grand atout de l’ayurvéda à mon sens réside dans les tridosha : une théorie extrêmement intéressante, que je ne vais pas avoir la prétention de vous expliquer ici, mais qui pour faire simple, permet de discerner de manière très fine des constitutions de personnes (en prenant en considération aussi bien les aspects physiologiques, psychologiques, habitudes de vie et tendances comportementales…).


Vatha, Pitta, Kapha…vous avez déjà entendu parlé ? Ce sont ces tridoshas, liés au 5 éléments (l’éther étant inclus en ayurvéda) qui peuvent se combiner et donner toutes sortes de profils de personnes.


Un panchakarma commence donc forcément par-là : évaluer son dosha (dominant voir sous dominant) et discerner éventuellement ceux qui sont en déséquilibre. A titre d’exemple, je suis vatha pitta et j’ai un excès de kapha et de vatha (la totale...!)



Le médecin ayurvédique est capable à la lecture du pouls d’évaluer la constitution et les déséquilibres, cette lecture étant associée à un entretien approfondi de l’histoire, des symptômes et des tendances de la personne. Un médecin ayurvédique a suivi un cursus de médecine classique puis une spécialisation en ayurvéda, qui le mène à 12 ans d’études. Donc autant vous dire que ce n’est pas de l’à peu près...



J’ai fait mon panchakarma à la Sih Clinic de l’ashram Sivananda du Kerala car je voulais associer cette cure à une démarche spirituelle à travers la vie quotidienne au sein d’un ashram (ceci mérite un autre article à lui seul, qui suivra !). J'ai opté pour la durée recommandée de 3 semaines, qui est un minimum, traditionnellement pour un nettoyage en profondeur (similaire à la durée des cycles de cures habituelles en phytothérapie)


Rentrons maintenant dans le vif du sujet: un panchakarma suit plusieurs étapes fondamentales :


1. la phase de préparation


Pour ma part, après la consultation initiale, cela a commencé par 3 jours de "powder massage": on frotte énergiquement l'ensemble du corps avec une poudre épaisse et veloutée qui a des vertus détoxifiantes. Une fois tout poudré comme habillé d'une fourrure orangée, on rentre dans une sorte de boite en bois, avec un espace pour sortir la tête et on reçoit un bain de vapeur à base de plantes médicinales.

S'en suit la phase préparatoire dîte d'oléation: l'huile, à toutes les sauces si l'on peut dire, quotidiennement pendant une bonne semaine!


- En massage sur le corps, et là ce n'est pas quelques gouttes dans le creux de la main, on baigne littéralement dans une flaque de gras, je me faisais l'effet d'être une friture, il ne restait plus qu'à allumer le feu sous la table! Je n'ai pas trouvé les massages vraiment relaxants, comme ils peuvent l'être en france, les mouvements étaient rapides avec semble t-il plutôt une visée de mobilisation des toxines que de détente.


- En interne, un verre d'huile à boire à jeun tous les matins! c'est ce qui a été le plus difficile pour moi, au bout de 4 jours, j'ai du arrêter car mon corps n'en pouvait plus, surtout mon estomac. Durant cette phase, on mange surtout de la soupe de riz car rien d'autre ne passe vraiment...


-L'huile en filet sur le front qui s'écoule lentement au niveau d'ajna chakra ("3e oeil") puis tout au long du cuir chevelu et du crâne, depuis un récipient suspendu au dessus de la tête. C'est une sensation très spéciale, indescriptible, agréable pour certains, moins pour d'autres... Ce traitement est connu pour travailler au niveau des émotions, des rêves.

L'après est aussi une expérience car l'huile étant épaisse, aucun shampoing, quelque soit leur nombre, n'en vient à bout! Dire qu'on a les cheveux gras ne serait pas exact, on a les cheveux graissés comme un beignet; avec le cumul de ces trois soins quotidiens, c'est exactement comme cela que me sentais, un beignet avec le sucre en moins (qui me manquait d'ailleurs terriblement!) Et cela fait aussi travailler psychologiquement et corporellement...



Pendant cette 1ere phase, on nous administre des décoctions médicinales prescrites par le médecin le matin et l'après-midi et bien sur, on commence le régime alimentaire panchakarma : 2 repas par jour, pas d'ail, d'onion, d'huile et de friture (Dieu merci on en avait déjà assez!), de sucre, de pain, d'aliments froids, transformés, épicés et bien sur, alimentation entièrement végétalienne (aucune chaire animale ni oeufs et produits laitiers). Il est aussi interdit de prendre des douche froides, la pluie ou de se baigner (=se refroidir). L'abstinence sexuelle est de mise, il faut éviter le soleil et toute activité physique intense et stress sont proscrits. Les maitres mots sont calme et repos car le travail intérieur s'amorce et demande de l'énergie au corps...et à l'esprit. En effet la détoxification est aussi émotionnelle et lorsque le panchakarma est réalisé dans un ashram, on peut aussi ajouter, spirituelle.



Une salle de soin


2. La phase d'élimination


C'est celle que nous appréhendions la plus et dont nous parlions à voix basse aux repas, à mesure que les jours nous rapprochaient de cette "extrémité" fatidique! ;)

On voyait alors passer les "malheureux" devant le dining hall, privé de repas (comment aurait-il pu après un verre d'huile épaisse cul sec ?!) avec une grosse théière en fer blanc, le teint aussi pâle que leur charge, congédiés au repos forcé dans leur chambre pour y vider en toute intimité leurs intestins pour les 3 prochaines heures. Ô journée tant attendue de la "purgation"!


Elle ouvrait le bal à la valse des "enemas", lavements intestinaux quotidiens:

- un jour sur deux, à l'huile médicinale infusée de plantes pour les dits "petits enemas",

- et l'autre jour, à base d'un mélange de plantes/miel/lait pour les "gros enemas", jusqu'à 1 litres!


J'ai eu droit à ce "régime" pendant plus d'une semaine : 3 "big enemas" et 5 "petits"!


Cela ne m'empêchait néanmoins pas de retrouver mes compères de galère tous les soirs, pour rires de nos mésaventures et parler de...nos intestins et autres sujets passionnants!



3. La phase de suivi


C'est celle qui fait suite aux soins et dans laquelle je me trouve à présent que j'ai quitté l'ashram. Pendant encore 3 semaines après la fin de la cure, je dois continuer à maintenir le même régime alimentaire et d'hygiène vitale. Ce n'était pas facile à l'ashram, ca l'est encore moins à l'extérieur, avec toutes les tentations du "monde réel" que je viens de réintégrer!

Je ne vous explique pas le parcours du combattant pour trouver quelque chose que j'ai le droit de manger! Aujourd'hui, j'ai quand même pu me régaler...ce n'est pas une pizza (forbidden!) mais une utthapam (galette de riz) avec des légumes et des noix de cajou, accompagné de chutney de coco (bon il y a avait quand même des oignons, je ne suis pas très bonne élève!)



J'ai un mal à fou à résister aux desserts sucrés et il faut aussi renoncer à se baigner, alors que je suis au bord de l'Océan Indien. Ce sont alors à mes yeux de se régaler...



Heureusement, il y a les jus de fruits et légumes fraîchement pressés...


Je me sens encore fatiguée et drainée par cette expérience impressionnante, mais je suis néanmoins ravie de mon aventure humaine et intérieure. Il est encore trop tôt pour affirmer si cette cure aura été constructive au niveau de ma santé, car il faut plusieurs semaines pour que la digestion, le corps retrouvent leur équilibre et qu'on puisse observer des bénéfices. Mais pour l'instant, je ressens une sérénité intérieure, un gout de vivre renouvelé... Ceci n'est pas seulement dû au panchakarma en lui-même je pense, mais aussi à mon expérience de vie à l'ashram...dont j'aurai le plaisir de vous parler prochainement, dans un autre article...






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