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Itin’errance


Dans le ciel, 2019


Cela fait maintenant 6 mois que mes pérégrinations ont commencé. Je vole vers la Jordanie. Mon bâton de pèlerine n’est pas toujours léger et la route irrégulièrement praticable. Pourtant, il n’y a pas d’autre voie que celle de l’avant. Qu’il fasse soleil ou qu’il vente. Que les oiseaux chantent ou que sévissent les bandits de grands chemins…

Sur la route, il faut tout perdre et l’on ne sait pas encore si c’est pour se trouver. L’appel du chemin en valait-il la peine ? On ne sait pas encore, il ne faut pas compter ses efforts…





D’un jour à l’autre, quand le visible se fait si changeant, il n’est plus possible de s’en remettre à lui. On ne peut échapper à la question de l’invisible. La coquille se fissure, la toile s’étiole. On sent bien qu’il y a quelque chose derrière. Comment voire au-delà du voile de la réalité, sans le déchirer ?

Et quand l’invisible se dérobe, la solitude est crucifiante, comme une coupure avec la source, un exil amer…


Comment développer son regard à ce qui ne se donne pas « à première vue » et ne pas se laisser illusionner par ce qui s’impose, se surimpose, que ce soit un sens, un mot, un parfum… ?


Derrière une situation qui donne à voir un écueil, il peut y avoir un cadeau, mais derrière une situation qui donne à voir un écueil, il peut aussi y avoir effectivement un écueil… la promesse d’une perte. Sans la boussole de la vision subtile, de l’intuition juste, c’est l’obscurité.


Derrière les mots, il peut y avoir mensonge. Derrière la beauté, l’horreur. C’est un appel à dépasser la naïveté, sans perdre l’innocence. Plonger dans le gouffre, sans garder l’aigreur dans la bouche et le cœur.

Quand la vision subtile n’est pas donnée, il reste à partir à sa quête, de tout son être. Car qui sait par quel interstice elle se manifestera ? Et si remplis de projections que nous sommes, laisser passer la vérité dans nos yeux, pour que ce qui est perçu ne soit pas le reflet de nos ombres mais de notre lumière.




Pourrais-je voir

Ce que dit la montagne, dans son apparente immobilité ?

et la fleur, dans son frémissement insoupçonné ?

et mon cœur, dans son tremblement passionné ?

et Dieu dans son silence assourdissant ?


Pourrais-je entendre

Ce que dit le ciel, dans son bleu désespéré ?

Ce que dis ta bouche, dans son chant inaudible ?

Ce que dit la vie, dans ses vagues fracassantes ?


Là où il n’y a plus ni mot, ni faits, ni perspective, ni visibilité, voir au-delà…rencontrer l’invisible, sur le chemin de l’intime errance, le chemin vers l’Absolu.



"Not all those who wander are lost" Tolkien

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