Seoul, 2019
Ce n’était pas tout à fait le titre que j’avais envisagé pour mon dernier article coréen… mais les choses ne se passent pas toujours comme prévues…
J’étais dans ma 3e semaine de voyage quand mon état a commencé à vaciller, affaiblie, je souffrais de plus en plus de l’humidité et à partir du dimanche, se sont déclenchées des douleurs au ventre qui sont allées en s’accentuant.
Je devais prendre l’avion le jeudi suivant pour poursuivre le voyage à Taiwan. J’allais pendant une semaine faire du volontariat dans un éco-village spirituel investi dans des projets sociaux pour les femmes et les enfants à travers le yoga, la méditation et la permaculture. Puis je poursuivais à Kaohsiung avec un séminaire sur la méditation dans un très grand centre bouddhiste du sud de l’ile. J’étais aux anges de ces deux projets que j’avais mis beaucoup de temps à préparer !
Le lundi, j’ai commencé à souffrir davantage de mon état et le mardi, je suis restée couchée toute la journée avec des anti-douleurs.
Le mercredi, les nausées se sont rajoutées et je mangeais difficilement. Sachant que je serai dès le lendemain dans la nature à Taiwan, où j’aurai moins facilement accès aux soins et où les infrastructures sont moins développées, je me suis dit qu’il était plus prudent de faire avant mon départ de Séoul un passage à l’hôpital (seul moyen de trouver un interlocuteur anglophone) pour être sûr d’avoir au moins des médicaments avec moi, en cas de besoin pour la suite.
Le mercredi, je me rends donc dans le centre international d’un grand hôpital. Pendant toute l’après-midi, je passe de services en services et enchaine des examens qui révèlent rapidement que j’ai une infection intestinale et urinaire. Rien de dramatique jusque-là, je suis habituée à cela en Asie, mais il semble y avoir autre chose, un kyste et une suspicion de torsion ovarienne.
J’ai à peine le temps de réaliser qu’on me ramène au centre international au pas de course car il est sur le point de fermer. On me demande de payer incessamment 400 euros et on me met gentiment à la porte. Je réclame un compte rendu, les résultats! Ca râle, pas le temps, vous n’avez qu’à repasser demain…j'ai mon vol prévu à 8h du matin...et je commence à m'inquièter de comment trouver la force de repartir ! j’insiste, on me donne un twix « pour la route » et un compte rendu de 3 lignes…
Je me retrouve dehors, sonnée. La douleur va crescendo, je reprends des antis inflammatoires.
Mon point de chute ce soir-là, étant donné que c’était la veille du vol, était une auberge près de l’aéroport, à environ 1h de métro. Je prends mon courage, mon backpack et je commence à déambuler dans les artères souterraines du métro. Très vite, au bord du malaise, je me rends compte que je ne vais pas y arriver. Je ressors. J’ai à peine le temps d’émerger à la lumière tombante, de m’assoir par terre dans la rue, que je me mets à vomir et reste un moment au bord de l’évanouissement… Les gens passent sans s'arrêter.
Un grand moment de solitude… mais je n'ai pas vraiment le temps de m'y attarder car la nuit est tombée, il me faut trouver la force de bouger et de trouver un hôtel à proximité. Après une heure qui parait une éternité, j’en déniche un (c’est mon budget d’une semaine en auberge de jeunesse…) mais pas le choix.
J’ai besoin de dormir, mais commencent les démarches avec mon assistance (qui est sensée s’occuper des frais de santé). Ceux-ci avaient donné leur accord le matin même pour le remboursement des dépenses à l’hôpital. Mais le ton a changé : refus de prise en charge car la pathologie serait antérieure au voyage (ils font référence à la maladie chronique dont je souffre). La problématique actuelle concerne pourtant un kyste, qui est tout à fait inédit. L’assistance ne veut rien entendre et cela se termine en pugilat avec ma famille qui intercède pour moi au téléphone depuis la France. Abandon sans appel de mon assistance…
Je prends alors douloureusement conscience que cette clause d'exclusion, dont je n'avais pas connaissance est susceptible de me mettre dans la plus grande des difficultés. Si je fais une complication, ce qui n’était pas impossible, l’assistance n'interviendrait pas pour l'intervention chirurgicale et tous les frais, qui peuvent vite grimper de manière exorbitante… douche froide, dans la moiteur coréenne…
Dans le peu de lucidité qu’il me reste, il me semble me souvenir avoir notion d’une autre assistance, par le biais de mon assurance accident (que je me remercie d’avoir souscrite avant mon dernier séjour en inde). Après un premier contact, eux ne semblent pas brandir la fameuse clause d’exclusion. Ils ont par contre besoin des informations en lien avec ma prise en charge à l’hôpital. Je suis bien en peine de leur fournir autre chose que les bribes que j’ai pu arracher au prix de mes supplications. Ils me font comprendre que tant que je resterai aussi douloureuse (la douleur est encore à 7/10), il est exclu de me faire faire un voyage de 20H qui serait trop risqué avec un risque de torsion ovarienne. Je n’avais pas encore vraiment envisagé l’éventualité d’un rapatriement... Il est convenu que nous fassions le point le lendemain.
Le jeudi matin, mon avion pour Taiwan part sans moi et je dois trouver un nouveau logement. J’arrive non sans mal à faire le déplacement dans le quartier d’Itaewon. Je dors une partie de la journée. Je n’ai toujours quasiment rien mangé car tout me donne la nausée, surtout les plats épicés (et il n’y a pas grand-chose d’autre…) mais je n’ai pas assez de force pour faire les courses et cuisiner.
Je tombe d’épuisement mais je dois rester éveillée pour l’appel de l’assistance. A 23H30 heure locale, je suis enfin contactée par leur médecin français pour une téléconsultation en ligne. J’attendais impatiemment leur avis, mais ils n’ont pas récupéré mon dossier médical auprès de l’hôpital et le docteur ne connait pas vraiment ma situation. J’ai moi-même recontacté l’hôpital pour obtenir mes résultats, mais en vain.
L’assistance craint que mon état ne soit plus grave, avec de potentielles complications, ce qui exclut tout trajet d’avion, tant que le risque n’est pas levé. Ils disent que j’aurai du être hospitalisée. Beaucoup d’éclaircissements seraient apportés s’ils récupéraient mon dossier médical…pas de réponse quand je questionne, on finit par me dire qu’un correspondant local va être mandaté pour me faire faire des examens complémentaires…mais on ne sait pas quand…
Le discours alarmant de l’assistance sème l’inquiétude : si mon état est trop préoccupant pour un rapatriement, pourquoi ne suis-je pas hospitalisée ? Les douleurs sont revenues, je passe une nuit blanche et renvoie un mail à l’assistance au petit matin en leur demandant pourquoi laisser trainer les choses et ne pas faire les examens au plus vite …
Assez vite, on me dit que je vais être prise en charge par le correspondant local qui va venir me chercher. Soulagement…mais je ne sais pas encore ce qui m’attend...
Je reçois un peu plus tard un message du dit correspondant qui me communique une adresse d’hôpital où me rendre par mes propres moyens.
Comme il n’y a plus de place dans mon hôtel la nuit suivante, je suis à nouveau à la rue. Je traine encore une fois mon attirail vers ce nouvel hôpital. Aucune indication arrivée sur place, je finis par être orientée vers un service international qui ne rouvre que 2H plus tard. Je demande si l’on sait pour quel examen on m’a envoyée puisqu’aucune information ne m’a été communiquée. On m’annonce que je suis admise pour « swelling leg » (jambe qui enfle ?!), info transmise par le fameux correspondant local…
Après des échanges sans fin avec l’assistance et le correspondant, je réalise que personne ne sait pourquoi j’ai été envoyée ici. Le correspondant me maintient que je suis ici pour obtenir des médicaments (que j’ai eu le mercredi au 1er hôpital) et l’assistance est incapable de me dire pour quel examen j’ai été envoyée.
Après plusieurs heures de cette trempe, on m’annonce finalement que je dois obtenir du médecin un document certifiant que je suis en état de prendre l’avion (le fit to fly). Evidemment le médecin me dit qu’il ne peut me délivrer un tel document puisque ce n’est pas lui qui m’a fait faire les examens, mais le 1er hôpital ! Qu’il me faut donc y retourner… Mais l’assistance s’en ai remis au correspondant local qui semble avoir un partenariat avec cet hôpital et qui veut que ce document émane d’ici… Pas d’autre choix, me dit le médecin, si je veux ce document, je dois refaire tous les examens médicaux…
Je m’exécute, en continuant à harceler par mail et téléphone le 1er hôpital afin de récupérer en désespoir de cause les premiers résultats qui m’éviteraient de tout refaire…sans succès
Quand après de longues heures et chapelets d’incohérences, on me délivre enfin le fameux certificat … je m’aperçois qu’il comporte une erreur. Je retourne à l’accueil qui semble prendre note et me fais repasser de nouveaux examens. Pourtant, à leur issue, l’erreur n’est pas rectifiée… j’insiste, on me dit alors que le médecin est parti au bloc opératoire… nous sommes vendredi soir, le centre international est sur le point de fermer et ne rouvrira que le lundi…
Découragement. J’envoie quand même le document à l’assistance (je n’ai plus aucune confiance dans le « correspondant local » fantôme qui m’invente des troubles qui n’existent pas). Ceux-ci me disent qu’ils ont besoin des résultats à mes examens. L’hôpital refuse de me les remettre car il est convenu qu’ils soient envoyés exclusivement au correspondant local uniquement SI celui-ci en fait la demande ! Le service ferme dans 15 min, je harcèle le correspondant pour qu’il fasse la demande, mais à 17H55, toujours rien. Je supplie l’hôpital d’envoyer mes résultats au correspondant, même si celui-ci n’en a pas fait la demande. On me ferme la porte au nez car j’ai suffisamment embêtée le monde durant toute la journée…
Je me retrouve encore une fois, devant l’hôpital avec ma valise, pas de logement, plus de force et toujours rien mangé. Je reste assise plusieurs heures en attendant des nouvelles, je n’ai de toute façon pas l’énergie de faire autre chose.
Miracle, à 19H30, l'assistance m’appelle pour me dire que je suis prise en charge à partir du soir même et qu’on va m’envoyer un taxi qui m’amènera à l'hôtel.
Comme on m’a précisé que c’est le correspondant qui va s’en charger, je me méfie d’emblée et je fais bien, car une heure après toujours rien. Je ne sais par quelle énergie je finis par trouver un taxi et un airBandB par moi-même.
Quand j’arrive dans ce logement tenu par une petite dame coréenne qui m’a préparé un bol de bouillon fumant, je crois être au paradis. Et surtout tellement reconnaissante que ma soupe ne soit pas épicée ! Je ne sais pas si les « hostilités » vont encore durer, mais je reprends des forces.
Le lendemain, je reçois un mail m’annonçant ni plus, ni moins, mon rapatriement pour le lendemain ! Tout cela a été tellement confus et rapide, que je ne sais plus si je dois me réjouir ou pleurer. J’ai à peine le temps de comprendre ce qui m’arrive que me voilà dans un vol Seoul-Paris de 12H, toujours sans savoir quel risque j’encours ni quelles démarches suivre si je faisais une complication.
Le voyage dure 19H, retard de correspondance et attente de 5H à paris inclus.
3 semaines plus tard, je reçois un drôle de coup de fil. Mondial assistance, les lâcheurs de première, vous vous rappelez ? Je suis recontactée par leur médecin qui me présente ses excuses. J’avais effectivement quelques heures plus tôt envoyé un mail pour leur exprimer le fond de ma pensée par rapport à leur attitude (ils avaient non seulement refusé ma prise en charge de manière abusive, mais avait aussi tenu des propos scandaleux au téléphone). Le médecin reconnait que mon problème de santé n’était pas antérieur à la date de départ et qu’il avait commis une erreur en refusant de me prendre en charge.
Je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux personnes qui n’auraient pas eu comme moi, la chance d’avoir une seconde assistance, et dont l’état de santé se serait détérioré…imagine t-on que notre vie peut se retrouver aussi vite suspendue au bon vouloir d’une assistance ?
Pour tous ceux qui sont sur le point de voyager avec Mondial Assistance, n’oubliez pas cette clause : tout trouble ayant entrainé une consultation dans les 6 derniers mois, qui se réitérait en voyage, entrainerait l’exclusion de toute prise en charge.
Le taxi qui m’a récupéré à l’aéroport m’a dit qu’il n’a jamais entendu de récit de rapatriement qui se soit bien passé…
Je n’ai toujours pas réussi à récupérer certains résultats d’examens passés à l’hôpital et pourtant chèrement payés. Il refuse toujours de transmettre ce qui manque, allant jusqu’à dire qu’ils savaient que j’étais à Seoul les jours suivants mon passage et que je n’avais qu’à me déplacer. Concernant le 2e hôpital, je pense que le cher correspondant local n’a toujours pas fait la demande des résultats…
Tout ceci n’est pas très rassurant quand on remet en contexte que je me trouvais non pas dans un dispensaire au fin fond de la jungle, mais dans le service international d’un des plus grands hôpital d’une des plus grandes mégalopoles développée d’Asie…
Ce billet aura été long, mais j’ai volontairement retracé beaucoup d’aspects qui peuvent être je pense utiles à des voyageurs. J’aurai en effet aimé avoir connaissance de tous ces détails avant mon départ.
Si vous m'avez lu jusque là, vous êtes bien courageux!
Après ces épreuves, le flou concernant ma santé, la solitude et surtout l’interruption de mon voyage, je m’entraine à la philosophie encore maladroite du ballon de basket : rebondir…
Coucou Anne-So,
Je découvre toutes aventures en Corée. C'est assez incroyable, a la fois tes problèmes de santé soudains et cette histoire de rapatriement 😱😱😱 j'espère que tout s'est maintenant réglé au niveau de ta santé, que tu te sens bien mieux.
Je suis admirative de ton chemin de vie. C'est un choix que j'aurais pu faire dans une autre vie. Les voyages, les échanges culturels sont vraiment enrichissants et nous donnent à méditer sur notre propre parcours.
Je te souhaite de belles découvertes et continue à nous faire rêver 🥰🙏🍀
Bisous 😘
Stéphanie